Samuel Fosso à la Mep jusqu’au 13 mars 2022

, par Stéphanie Konrad

Samuel Fosso est né en 1962 au Cameroun où il passe ses deux premières années. Il souffre d’une paralysie des jambes que la médecine occidentale ne parvient pas à soigner. Sa mère l’emmène au Nigéria, où vit son grand-père, chef de tribu Igbo, qui le sauve grâce à la médecine traditionnelle. Au Nigéria, il se trouve pris dans la guerre du Biafra, avant d’aller s’installer en Centrafrique. Il vit aujourd’hui entre Paris et Bangui.

Lorsque sa mère meurt, agé à peine de cinq ans, il est recueilli par sa grand-mère et son grand-père, guérisseur traditionnel, alors qu’éclate la guerre du Biafra. À 10 ans, il rejoint la République centrafricaine, où il travaille un temps pour un oncle maternel cordonnier, avant de devenir apprenti chez un photographe. À 13 ans, il ouvre son premier studio et y accroche une pancarte : « Avec Studio Photo Nationale, vous serez beau, chic, délicat et facile à reconnaître ».

Ses œuvres, fruits d’une créativité et d’une liberté folles, permettent à ce maître de la performance de questionner les identités et les représentations de notre monde. Il y donne libre cours à son obsession pour la métamorphose, le travestissement, la mise en scène.
L’artiste vit au Nigeria avec sa femme et ses quatre enfants et travaille souvent à Paris, dans son atelier.

Les années qui passent n’ont pas entamé l’humour de ce photographe africain, qui déroule depuis plus de quarante ans une œuvre faite exclusivement d’auto­portraits qui sont tout sauf égocentriques.
Car il est notre miroir : vous, nous, l’humanité. Sorte de caméléon empathique, à travers lui-même, il dit les autres. Son œuvre mêle photographie et performance, Samuel Fosso s’inscrit dans une lignée d’artistes internationaux majeurs parmi lesquels figurent la photographe américaine Cindy Sherman ou encore le photographe japonais Yasumasa Morimura. Samuel Fosso utilise le corps, l’habillement, les accessoires et les poses comme outils critiques, pour déconstruire les représentations stéréotypées en matière d’identité de genre et de classes sociales.

Dernièrement, son œuvre a pris pourtant un tour sombre, comme en écho à sa vie sans arrêt rattrapée par la tragédie. Dans un long ruban d’images, il aligne sur les murs 666 grands formats aux tons terreux, où son visage vieilli passe par toutes les expressions, surtout douloureuses. « Partout où je vais, le malheur me suit, résume-t-il. Alors j’ai décidé de faire le nombre du diable, six six six (666).

Voir en ligne : Portraits des autres à partir de soi